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Body Double

Macbeth, Justin Kurzel (2015)

Source: Externe

Genre:  bourdonnement d’oreille

 

Selon Orson Welles, William Shakespeare était sans doute le plus grand scénariste que la terre ait porté. Une fois n’est pas coutume, une nouvelle adaptation d’une des plus célèbres pièces du dramaturge débarque dans les salles. Après Welles et Polanski, c’est Justin Kurzel qui s’y colle. Auteur d’un premier film les crimes de Snowtown, le réalisateur peut compter sur un casting international prestigieux avec Michael Fassbender (Macbeth), Marion Cotillard (Lady Macbeth), Sean Harris (Macduff). Présenté à Cannes, cette énième version de ce classique avait reçu un accueil mitigé par la critique. Qu’en est il ?

 

Macbeth est un témoin de la difficulté de l’adaptation d’une oeuvre littéraire d’autant plus quand celle-ci est très dense. Justin Kurzel fait le choix de conserver le texte brillant, universel mais aussi peu commode de l’écrivain anglais. Le réalisateur s’appuie sur des acteurs de talent et confirmés pour porter le verbe anglais. 

Parallèlement, la mise en scène se veut fiévreuse, dramatique. Elle fait la part belle à ses décors d’une Ecosse  désertique, percée de vents sans fin, au teint minéral. Il semble d’ailleurs que l’inspiration esthétique du film est plus proche de celle de Valhalla Rising de Nicolas Winding Refn que du fantastique de l’adaptation de Welles. Dès le départ, on sent la profonde schizophrénie du film qui se déroule devant nous.Signe d’une incapacité à choisir une voie plutôt qu’une autre, Macbeth se sert à tous les râteliers en gardant des dialogues exigeants tout en jouant avec une mise en scène à la modernité prônée comme un étendard bien flasque.

 

En effet, pour souligner le bruit et la fureur du dramaturge anglais, on abuse des ralentis dès les cinq premières minutes, sur découpant une scène de bataille sensée nous présenter le protagoniste principal. Jouant à la fois sur un aspect clinquant et clippesque, les filtres jaunâtres et orangés signent la descente progressive de l’honnête Macbeth dans la folie. Les mouvements du soleil sont exposés en time-lapse devant le corps du bon roi Duncan comme annonciateur du déclin d’un règne. La réalisation ne cesse de torpiller le spectateur par sa virtuosité de circonstance. La bande originale de Jed Kurzel accompagne le mouvement voire assène le coup de grâce. Empli d’un bruit de fond constant, Macbeth doit être synonyme de fièvre, de basculement perpétuel face à la lumière toute artificielle d’une Ecosse  déchainée.
Mais dans ce tintamarre, le réalisateur oublie le texte qu’il tenait tant à conserver. Il délaisse l’essentiel à savoir la dramaturgie de la pièce.
Devant un son et lumière sans retenue, on n’entend même plus les comédiens déclamés leurs textes. On assiste impuissant à l’ennui qui nous prend pendant que le réalisateur s’amuse de ses effets de style, sans doute persuadé de retranscrire la puissance dévastatrice de l’oeuvre de Shakespeare

 

De la même façon, passionné par la seule illustration de Macbeth, le film ne tient aucune ligne dramatique  mettant d’abord l’accent sur Lady Macbeth et la corruption de l’âme de l’âme du serviteur du roi Duncan pour tout donner sur Fassbender par la suite. Presque conscient du manque de point de vue, Justin Kurzel fait porter l’intensité dramatique sur les seules épaules de Fassbender. D’une Lady Macbeth à la manoeuvre, il en fait une figure fantomatique par la suite où Marion Cotillard en est réduite à réciter un texte comme devant une classe à l’air gênée. La musicalité des tirades de la pièce n’est jamais mis en avant mais bien noyée, effacé pour apprécier une technicité tape à l’oeil où l’incarnation est absente.

 

Macbeth ne cesse de rappeler le risque de la conversion d’un média à un autre d’un chef d’oeuvre en général. Ce ne sont pas les mêmes règles, le même vocabulaire qui s’emploie.Tout puissant que soit le mot, il s’effondre quand le cinéma ne lui donne pas une vrai tonalité par sa mise en perspective. Mais il parait bien évident que le cinéaste n’a aucun point de vue à apporter sur le canevas qu’offre Shakespeare. Il ne sait que faire de son personnage féminin principal, croit en la toute puissance du charisme de Fassbender. Une grande oeuvre littéraire ne fait pas nécessairement un grand film ! Presque apeuré par la tâche, le film offre surtout un art book d’une mise en scène pleine d’effets, de fioritures rendant Macbeth presqu’ennuyeux.
Devant cette indécision, on en espère la fin tellement le son des trompettes fatigue plus qu’il éblouit. L’enfer est pavé de bonnes intentions.

 

On peut trahir l’histoire à condition de lui faire de beaux enfants, disait Alexandre Dumas. Adapter c’est trahir pour rendre juste à une oeuvre par un autre média. Macbeth est au mieux une illustration pleine d’enluminures au pire une peinture vide qu’on oubliera vite !

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