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Body Double

Fifty Shades of Grey, Sam Taylor-Johnson (2015)

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Genre: le cul entre capote et cravache 

 

On ne présente plus Fifty shades of Grey, premier roman de la britannique E.L. James conçu comme une fanfiction de Twilight où l’auteure conçoit une version plus érotique de l’univers vampirique de Stephenie Meyer. Ce premier opus de papier fut un succès international. De façon assez logique, le film suit le même chemin avec plus de 2 millions de spectateurs dans nos contrées. Entre critiques désastreuses, volonté de contrôle absolu de la romancière, changement de casting et tournage à la va-vite, que donne ce film calibré pour faire des entrées?

Déjà, si on espère une réelle adaptation de l’oeuvre littéraire, il faut vite oublier cela… En effet, le scénario semble être conçu comme un décalque du roman sans ne prendre aucun recul sur l’objet  ni le contenu qui va avec.

Un beau jour, alors que sa coloc Katherine est malade, Anastasia Steele (Dakota Johnson) remplace son amie au pied levé pour interviewer le bellâtre Christian Grey (Jamie Dornan) milliardaire pour le journal de son université. A partir de là , les choses vont déraper…

Si on veut préciser les points positifs, Sam Taylor-Johnson livre une copie à la photographie élégante, à la mise en scène lisse mais soignée ajoutée à une BO sympathique. Après il y a tout le reste du film…

 

Tout d’abord, le choix de son couple d’acteurs laisse plus que perplexe. Grey est décrit comme un homme de pouvoir, autoritaire, à la volonté de contrôle. Devant Jamie Dornan, on ne voit jamais cela mais bien plutôt un mannequin se trimballant torse nue dans une pub Gucci. Grey est alors au mieux une gravure de mode fadasse, au pire une endive au regard inexpressif. D’ailleurs, on croit difficilement à la relation (fièvreuse ?) entre les deux comédiens, chacun jouant de son côté… Sur la progression dramatique, n’en cherchez pas, il n’y en a pas ! Pendant près de deux heures, on a le droit à une longue scène d’exposition… 

 

Fifty Shades of Grey marche sur des oeufs entre la comédie romantique déviante et l’érotisme soft de jeune pucelle. Le début du long-métrage nous ferait presque regretter les comédies d’amour de Richard Curtis avec une première rencontre ubuesque. Le jeune Christian est entouré de splendides blondes en tailleur mais il n’aura dieu que pour la petite étudiante à la frange approximative, fagotée comme si elle allait au marché. Comme toujours,  il s’agit de faire rêver la femme « ordinaire » d’une possible romance avec le mâle aux milles qualités à la fois physiques et financières. On ne comprend pas vraiment ce qui fascine la petite Ana devant ce regard de courge. On se demande bien ce que l’on fait nous aussi, poussé par un buzz voyeuriste. Mais quand viennent les scènes de sexe, bon dieu ?D’abord, il faut savoir couvrir madame de cadeaux de plus en plus chers, lui rappeler à quel point on l’aime… Pour prouver sa passion, on lève la pauvre Anastasia pour sa première fois pour qu’elle n’oublie jamais et accepte les termes du contrat. 

Sam Taylor glisse alors sur la pente savonneuse entre  ingrédients de comédies romantiques mal agencées et caricaturales et volonté de traiter son sujet à savoir le sadomasochisme. On s’amuse donc devant d’âpres négociations sur les termes du contrat entrer la « soumise » et le « dominant » en particulier lors du rendez-vous professionnel. Cette séquence semble nous rappeler l’adage que  « suggérer éveille plus que d’exposer ». Hitchcock ou De Palma le savent bien !

 

Car Sam Taylor s’engouffre dans le piège des scènes de sexe « explicites ». Celles-ci sont tellement stylisées et « propres » qu’on se croit devant un érotisme chaste où les chairs ne gémissent jamais. De la même façon, pas question de voir des blessures, du sang couler lors des séances de fouettage intempestives  dans un rouge immaculé oedipien à souhait. Il vaut mieux se porter sur Nymphomaniac de Lars Von Trier qui traite du SM avec plus de crudité mais aussi sans réel jugement extérieur. Ici, le film ne prend jamais à bras le corps son sujet, n’étant jamais assez « hot » mais devant aux spectateurs ces fameuses scènes déviantes, presqu’à contre coeur… On bande (ou mouille) bien peu devant ce bovarysme de bazar. Il nous reste toujours la sensualité inattendue de la voix de Beyoncé ou du titre « Earned it » pour nous réveiller. 


Au fond, E.L.James ne fait que coucher ses fantasmes sur le papier comme ils auraient du être imprimés sur la pellicule. La chambre rouge de Grey aurait du devenir les lieux des interdits, des tabous occidentaux, d’une société où le sexe est vendu partout mais en berne dans les chaumières . Que l’imagination est cruelle quand on fait éprouver  sa libido à la réalité ! On est forcément déçu tellement Ana/le film ne veut pas aller jusqu’au bout de son pacte faustien. Mais au bout du compte, il faut oublier la vision machiste dépeinte faisant de l’homme la boussole de la gente féminine car tout cela est de l’amour en fait. Et puis, Melle Steele a le choix, elle peut dire « non » surtout si elle peut avoir son bien-aimée près de lui dans le lit. Le pauvre Grey doit faire des concessions et ne joue pas selon ses règles tellement il aime sa dulcinée. Sans oublier enfin la carte du traumatisme enfantin (Freud est toujours à rôder pour donner un os à ronger). Devant du politiquement incorrect, il faut vite revenir dans le giron bien-pensant et reproduire les schémas de couple vues depuis des années à Hollywood.

 

En toute bonne foi, où sont les féministes de la première heure pour brûler ce film ?Tellement celui-ci colporte une image dégradante de la femme et peut être de son « continent noir » inavouable quand on voit le succès délirant de la saga littéraire. Dans son manque total de recul, le film (sans le savoir) met le doigt peut être sur une vision du couple partagée par une partie du sexe faible devant le fracas au box office. Ou bien tout cela ne serait-il pas du voyeurisme pour exalter les sens fatigués de nos contemporains ?

 

L’adaptation cinématographique de « Fifty Shades of Grey » assume encore moins que son comparse littéraire le caractère profondément « cul » de son histoire et sert du « cul-cul la praline » au goût moins faisandé. Sans saveur,Fifty Shades of Grey est plus intéressant par le phénomène qu’il suscite que le produit fini. Après près de deux heures de vide aux images répétitives de papier glacé, on en vient à espérer de ne pas se retrouver entre le fouet de Grey et l’entrejambe de Steele

 

 

 

 

 

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