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Les Mille et Une nuits -volume2-Le désolé,Miguel Gomes (2015)

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Genre: le solitaire

 

Suite à un premier volume à la fois base et introduction du Portugal de Gomes, le désolé se construit comme un entre deux, à la fois poursuite de l’ostracisme social témoigné dans le Bain des Magnifiques et une certaine dignité maintenue. Rappelons qu’à la fin de l’inquiet, les Magnifiques se jettent à l’eau. C’est donc sur une image de désespoir et de renoncement que le cinéaste clôt son film. 

Le désolé débute avec le protagoniste qui semble sortir tout droit de l’eau comme une réincarnation plus âgée des Magnifiques. Gomes fait alors appel au western dans un cadre aride, à l’ambiance taiseuse. Présenté comme un sale type, Simao ère dans la campagne portugaise comme une mauvaise conscience de sa communauté sur fond de meurtres.

Le désolé semble être le coeur sombre du triptyque où l’humain est montré dans toute sa bassesse et sa solitude. Cependant, il n’empêche qu’il persiste de la fantaisie avec une vielle tapant au bâton le terrible Simao, une vache lucide ou un chien digne de Walt Disney. Loin du foisonnement du premier volet passant du coq à l’âne, ce ne sont que 3 histoires qui nous sont contées avec un rythme plus contemplatif. Le contrat social du Portugal est alors morcelé. Les couples se parquent dans des tours anonymes. Chacun est coupable de ses faiblesses, volant les un aux autres. L’épisode de la juge en est d’ailleurs le témoin où l’enquête d’un fait divers réunit la communauté au sien d’une agora d’antan. Seuls les animaux semblent être le révélateur des Hommes vivant dans un monde fait de mélancolie, de souvenirs. 

Si la poursuite de Simao se montre assez hermétique dans un ascétisme pas toujours communicatif, Gomes offre aussi sans doute une des plus belles aventures de son oeuvre fleuve.

 

A travers les Maîtres de Dixie, il dépeint un portrait des habitants d’une immense tour HLM. Dans un milieu atone, déprimant, le chien Dixie (ainsi que son fantôme) est le rayon de soleil d’une  nostalgie éthérée. Favorisant la comptine, la lumière blafarde du quotidien, le cinéaste apporte une mélancolie sourde inattendue de la vie urbaine tout en y trouvant une légèreté aérien à travers des plans sautant hors de la fenêtre. Mémoire d’une fraternité oubliée, Gomes tente de relier les individus par le même néant qui les habite. A la fois d’une poésie touchante, naive, les maîtres de Dixie semble contenir toute la force de ce second volet mais aussi toute la noirceur de son auteur. Déçu, incapable de faire vivre la communauté, il la récrée par le truchement de ce chien et par la magie de l’image. L’art n’est qu’un sauf conduit face à une réalité du monde angoissante et désoeuvrante.
De la même façon, on ne peut qu’être ému par la déception que ressent la juge face aux bassesses de ses congénères. Comme donner la justice, prendre une décision, quand la société n’est que mensonge et individualisme forcené ?

Après le constat de l’inquiet et l’enchantement (on l’espère) de l’enchanté, le désolé choisit la politesse du désespoir montrant un chaos sans règles. On est seul entre deux tours, entre deux portes d’ascenseur, attendant le ravissement qui ne vient pas. Il n’y a que le petit Dixie, la vache témoin qui sauvent les Hommes d’eux mêmes. Mais encore faut il le vouloir ? Ce secours à la fois fantomatique et salutaire ne se retrouve que dans le réenchantement des détails, la poésie du quotidien.

 

Il faut revenir aux mythes d’antan, à la tradition orale de l’amphithéâtre qui apporte la catharsis pour chacun. Le souvenir sauve de la morosité du quotidien. A l’image de cette musique de Century tout droit sorti de l’esprit du premier couple du HLM contaminant le bain de soleil des brésiliens, chacun fait ce qu’il peut avec ce qu’il a…

Le film choisit Dixie comme observateur mais aussi montre l’impuissance de la communication entre les êtres. La parole compte peu dans ce nouveau volet sauf quand elle est utilisée pour révéler la vérité désastreuse des Hommes.  Il faut donc aller au delà des mots, avec la trousse à outils qu’offre le cinéma.
Gomes emploie les différents environnements offerts, les valeurs d’image, la musique qui emporte un plan pour le refaire tomber tout aussi sec !

 

Défaite de la réunion de la communauté, le désolé choisit le solitaire qu’il  soit parqué contre son gré, qu’il devienne un héros inattendu ou qu’il soit le fruit d’égoïsme. L’homme, rien que l’homme dans toute sa souffrance, voilà ce que propose ce second volet. Il est sans doute le plus dur à suivre, à porter, car il est un passage de témoin entre deux moments d’une oeuvre. Au moment où la croyance en l’art fond, il ne reste que la banale réalité. Le désolé nous rappelle la nécessité de miroiter la vie seule condition de survie. Le mieux c’est de demander à Dixie pour continuer à rêver, à s’enchanter de tout comme au premier jour !

 

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