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Every Thing Will Be Fine, Wim Wenders (2015)

Every_Thing_Will_Be_Fine

Genre: Ce spectre qu’est la vie 

Voilà près de dix ans que le cinéaste allemand n’avait pas tourné de fiction, préférant des documentaires en 3D comme Pina sur Pina Bausch ou le Sel de la Terre sur le photographe Sebastiao Salgado. Wenders s’est fait une spécialité de transmettre sa passion pour l’oeuvre des autres réussissant par le média du documentaire à rendre palpable l’univers d’autrui.

 

Ecrit totalement par Bjorn Olaf Johannessen, le nouveau film du créateur des Ailes du Désir se construit comme un mélodrame sur fond de culpabilité parcourant une période de dix ans de vie.
On y découvre un écrivain Tomas (James Franco) en panne d’inspiration qui va tuer un enfant sur une route enneigée près de Montréal. Suite à cela, Tomas changera de vie, quittera sa compagne Sara (Rachel McAdams), tentera de se suicider puis se remettra à écrire bénéficiant d’un succès inattendu. Parallèlement, il ne pourra pas s’empêcher de retourner sur les lieux du drame, fréquentant la mère de la victime Kate (Charlotte Gainsbourg) et devant faire face aux séquelles de l’accident sur le frère Christopher (Robert Naylor).

Every Thing Will Be Fine (maxime bien ironique) a été boudé au dernier festival de Berlin et mal accueilli considérant que le film n’était pas à la hauteur d’un cinéaste comme Wenders. Si on veut pouvoir y voir plus clair, il faut souligner un élément essentiel qui est celle de l’emploi de la 3D dans ce drame intimiste sublimé par la photographie de Benoît Debie.

 

Depuis Pina, personne n’avait utilisé la 3D dans une oeuvre en dehors du divertissement hollywoodien. Wenders utilise cet outil pour construire une atmosphère qui marque l’intime en mettant à nu ses personnages dans un cadre qui parait trop grand pour eux. Jouant sur une partition floue à la fois sur le plan narratif que formel, l’usage de la 3D permet un jeu constant sur les zones de reflet et de transparence (par l’environnement enneigée ou les vitres) comme une communication interne entre les protagonistes.

En effet, le personnage principal de Tomas reste très mystérieux et difficile à appréhender durant le film où c’est avant tout les autres qui parlent pour lui. Les dissonances de la partition superbe d’Alexandre Desplat rythme le coeur interne de la progression dramatique en réponse à une mutation de Montréal durant les saisons .

Loin d’une psychologie affichée, Wenders choisit l’opacité, le doute sur l’impact du drame sur chacun. Il ne se permet pas de juger ses personnages. D’ailleurs, la composition de James Franco est excellente tellement son ombre semble planer sur toutes les scènes du film sans vouloir livrer des clés de rédemption ou autre morale chère au cinéma américain.

Le réalisateur de Paris,Texas  compose avant tout une fresque intérieur de dix ans où les résidences, les arbres, la poussière de l’air communiquent avec les émotions humaines. 

 

Every Thing Will Be Fine est composé de tableaux à la fois de Hopper et de Wyeth où la contemplation transcende le temps cinématographique. En effet, sur les dix ans écoulés, jamais Wenders n’utilise l’artifice du maquillage. Mais le rythme éthéré, l’écoulement des saisons, les cadrages employés arrivent à faire ressentir ce temps écoulé sans remise en cause de la part du spectateur. Bien que la culpabilité reste un thème fort du film, celui-ci est complètement mis de côté par celui du temps qui passe. Wenders pose la question de la place de la temporalité dans notre ressenti, en témoigne les relations ente Tomas et son père.

De la même façon, l’inspiration et l’angoisse de la page blanche construisent le personnage de Tomas et surtout l’implication des drames personnels comme vecteur de construction littéraire. A t-on le droit d’utiliser des drames personnels comme matière à une oeuvre? Car le passé finit toujours par nous rattraper, à l’image de la rencontre (tardive) entre Tomas et Christopher dans une ambiance quasi-hitchcockienne.

Choisissant le silence à la parole, le caractère spectral, le doute, Wenders livre un mélodrame ascétique, vécu de l’intérieur où le spectateur effectue le chemin de ses protagonistes buttant sur le mystère de sa propre vie. A la fois fantomatique et incarnée par une 3D jamais vue, le réalisateur allemand nous laisse humble dans un monde qui nous dépasse.

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